Les bons conseils du professeur ignoble (12) – De l’art de remettre à sa place un importun

Bonjour à tous,

Je vous expliquais la semaine dernière comment maximiser son service sans jamais faire cours avec un habile système d'intervenants (Les bons conseils du professeur ignoble (11) - Comment maximiser ses heures de cours payées sans jamais y assister). Si ce système est vertueux pour le chercheur international membre de l'excellence, certains problèmes peuvent surgir. La semaine dernière, j'invitais ainsi un doctorant extérieur que je connaissais mal et je découvre qu'il distribue une bibliographie où aucun de mes travaux ne figure. Avant la seconde séance, je lui ai donc envoyé le mail suivant que je vous propose d'analyser :

Cher ***,

Il faut toujours dire à quelqu'un que l'on déteste qu'il nous est cher. Règle de base universitaire.

Peut-être s'agit-il d'une vanité d'auteur bien déplacée, mais j'ai cherché un de mes travaux dans la bibliographie sommaire que tu as fournie.Je ne l'ai pas trouvé.

Commencez par un peut-être pour exclure les hypothèses les plus farfelues et finir par un constat qui sonne comme une sentence dramatique.

Je suis désolé d'avoir été aussi hors sujet. Je préfère donc ne pas t'imposer ma présence tout à l'heure et rester, par une discrétion qui me convient mieux, à l'écart.

Soulignez par des phrases simples la tromperie dont on est victime, et conclure que notre absence, loin d'être une sanction (qui serait pourtant bien méritée), est une pudeur qui vise tout simplement à éviter de ridiculiser la cible.

Je t'ai fait le meilleur accueil, fabriquant des séminaires non pas pour t'inviter, mais pour t'associer et pour penser avec toi. Nous nous sommes efforcés de comprendre ta démarche. 

Il faut culpabiliser l'interlocuteur en lui rappelant les nombreuses bontés dont on l'a comblé.

Si de l'autre côté, nous trouvons un mépris, alors il y a maldonne.

Il faut évidemment souligner qu'en retour de ces bontés, il n'y a eu que mépris. L'effet de balancier joue à plein.

Bien entendu, il peut y avoir un facteur personnel: est-ce toi qui ne vois pas ce que mes travaux peuvent te dire ? Est-ce moi qui pense péremptoirement que mon travail aurait quelque valeur?

A partir de là, comme tout chercheur, il faut évoquer l'ego. Ca ne peut évidemment être que l'interlocuteur du mail qui soit le coupable puisque la seconde hypothèse est évidemment impossible.

En tout cas, il est certain que je n'en discuterai pas avec toi aujourd'hui.

Pour conclure, il faut revenir sur son Aventin et se draper dans sa dignité outrée.

Bien cordialement,

Le professeur ignoble

Evidemment, le mot professeur prend tout son sens face au prénom mis en exergue et le bien cordialement est de pure forme...

Le génie est un fardeau pour qui en est doté, tant la masse est ignare.

Le professeur ignoble