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Enseigner (4) – Les manuels universitaires, suite

17 Novembre 2011 , Rédigé par profignoble Publié dans #Enseigner

 

Bonjour à tous,

 

Je voudrais aujourd’hui revenir sur la question des manuels universitaires (cf. Enseigner (2) – Les manuels universitaires). Certains de mes collègues du Premier Cercle de la Quête de l’Excellence (le fameux PCQE) m’ont en effet fait observer que je ne parlais que des lecteurs et pas des conditions de production de cet ouvrage de haute qualité. Dont acte, ce petit post donnant là quelques recettes efficaces.

 

Le premier point consiste à associer des jeunes collègues (dont mes doctorantes et anciennes doctorantes) à un tel projet. Sélectionner des auteurs compétents est une tâche clé ne pouvant pas être confiée à n'importe qui. Il faut un expert pluridisciplinaire : je suis donc bien obligé de m'en charger. Mes larges domaines de compétence me permettent ainsi de réunir rapidement une équipe de qualité. Je m’occupe ensuite personnellement de la coordination du travail en répartissant les chapitres entre les différents participants.

 

Nombre de mes doctorantes ont ainsi une occasion unique de valoriser leurs revues de littérature et de s’ouvrir à d’autres domaines. Ainsi, je pense à cette doctorante travaillant sur le marketing des industries de défense qui a grandement amélioré ses connaissances en gestion de production dans l'agro-alimentaire. Autant de compétences valorisables au moment de la recherche d’un poste.

 

Aux esprits bougons que je sens déjà poindre, je voudrais juste rappeler que le travail de coordination est long et pénible, bien plus que la simple écriture d’un ou deux chapitre(s). Cela implique d'expliquer à chacun ce qu'il doit écrire (vous imaginez bien que, compte tenu de notre différence de niveau, mes auteurs ont de grandes difficultés à comprendre et exécuter ce que je leur demande...), de relancer les auteurs (bien que ma fermeté limite les retards) et surtout de relire en détail chaque texte, et bien (trop) souvent de les corriger. Heureusement que la secrétaire de l’équipe de recherche m’assiste dans ce travail ! Il m’est aussi arrivé de solliciter ma tendre épouse pour la détendre de ses tâches ménagères. Son quotidien (garde d’enfants, préparation de mes repas, ménage etc.), n’ayant rien de bien passionnant, je me suis dit que cela constituait un moyen pour elle de s’élever quelque peu intellectuellement. J’espère pour une fois être épargné des accusations de machisme et de mysoginie proférées fanatiquement par quelques militantes féministes. 

 

Il faut enfin choisir le nom de l’auteur figurant sur la couverture. Eu égard à ma forte implication personnelle et à ma réputation internationale, mon nom se devait d’être en première page. Restait à savoir comment valoriser le travail de mes actuelles et anciennes doctorantes. Une solution consistait à mettre leur nom sur la première page. Mais, n’ayant pas ma réputation, loin s’en faut, cela aurait pu ternir l’image du livre. De même, indiquer aux lecteurs qu’elles étaient l’auteur de tel ou tel chapitre aurait pu dévaluer les parties en question. Et pour elles, à quoi bon participer à un livre médiocre ? Dès lors, le mieux était d’être remercié en note de bas de page, l’essentiel du travail tenant évidemment à ma validation scientifique, seul gage d’Excellence. Il va sans dire que les droits d’auteur me sont intégralement versés – est-ce de ma faute si mon nom est un véritable accélérateur de vente. De toute façon, diviser des sommes aussi ridicules en un nombre important d’auteurs n’aurait pas de sens !

 

Il va de soi que les participantes à ce manuel achètent elles-mêmes leur ouvrage annuellement au gré des rééditions (les exemplaires attribués gratuitement à l'auteur restent évidemment en ma possession, étant ensuite directement revendus à mes étudiants) . Ce n'est pas tant qu'elles soient obligées de le faire, mais avoir un ouvrage d'une telle qualité dans leur bibliothèque en y ayant modestement participé, est un honneur dont elles ne voudraient pour rien au monde être privées. 

 

Le résultat de cette minutieuse organisation est simple : un ouvrage brillant qui se vend bien et qui chaque année, est mis à jour. A ce propos, il me faut ici dénoncer une pratique dangereuse : celle d’étudiants rachetant à leurs prédécesseurs un manuel d’occasion ou l’emprunt à la Bibliothèque Universitaire d’une ancienne version de mon ouvrage (deux pratiques qui insultent le droit à la propriété intellectuelle et à sa juste rémunération). J'ai ainsi, une fois de plus, déployé un ingénieux dispositif pour éviter une grave erreur à mes étudiants : d'une part, je demande à mes doctorantes d’emprunter tous les exemplaires de mon ouvrage à la Bibliothèque Universitaire pendant mon cours du premier semestre ; d'autre part, le partiel porte en partie sur des questions liées à l’actualité de ma discipline dont les réponses ne sont évidemment disponibles que dans la dernière édition de mon ouvrage !

 

Le génie est un fardeau pour qui en est doté tant la masse est ignare.

 

Le professeur ignoble

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T
Grandiose celui-ci !!! on sent la profondeur de la réflexion... Pour de la fiction c'est bluffant.
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K
<br /> Dans un système où les étudiants n'ont pas conscience du véritable prix de l'enseignement dont ils bénéficient, il est important de saisir chaque opportunités pour que le coût de leurs études se<br /> rapproche de son juste prix... A cet égard le marché de l'occasion des manuels scolaires est un fléau qu'on ne dénoncera jamais assez.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> Cher Kilouko,<br /> <br /> <br /> Vous avez bien raison. J'aborderai prochainement cette grave question !<br /> <br /> <br /> Excellement vôtre,<br /> <br /> <br /> Le professeur ignoble<br /> <br /> <br /> <br />