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Enseigner (5) - Les surveillances d'examen

11 Juin 2012 , Rédigé par profignoble Publié dans #Enseigner

Bonjour à tous,

 

Je voudrais revenir sur une activité centrale de notre métier, les examens, et plus précisément, les surveillances d'examen. J'avais déjà abordé la question de façon générale (Les étudiants (2) – Les examens), mais je voudrais ici revenir en détail sur la surveillance d'examen. Ceux qui n'ont qu'un souvenir lointain de l'université doivent se rappeler de grands amphithéâtres avec un professeur et quelques appariteurs participant à l'organisation des examens. Des années plus tard avec une droite ayant contribué à casser l'université française, nous n'avons plus, hélas, que des surveillants rémunérés à la tâche. Pauvre France !

 

Mercredi dernier, donc, je surveillais un de ces examens avec une de mes doctorantes et trois surveillants. Pierre Bourdieu, un auteur incontournable pour tout bon universitaire de gauche comme moi, a parlé de la distinction. Et bien, figurez-vous que c'est exactement cela que j'ai observé (prouvant par là, la justesse du constat du grand sociologue). Les étudiants sont fermement encadrés par des surveillants qui les contraignent à amener leurs sacs au pied de l'amphithéâtre et à ne garder que quelques stylo,  et une calculatrice non programmable et une règle sur leurs tables. Leur autorité provient essentiellement du mépris qui est infligé à l'étudiant. Demander poliment ne sert à rien, seule une parole agressive est efficace. Les surveillants doivent évidemment être dans l'amphithéâtre une demi-heure avant pour vérifier le respect du placement des étudiants.

 

Dix minutes avant, j'arrive, flanqué de ma doctorante dans l'amphithéâtre. Je suis en majesté et les étudiants me regardent comme on observe le roi rentrer dans une salle. Je ne prends pas le temps de saluer les surveillants, mon pouvoir tenant évidemment dans la supériorité que je peux affecter vis-à-vis d'eux. De plus, par ma distance, je leur signifie les normes de bienséance. L'écart qui me sépare d'eux me permet de leur indiquer l'écart qu'ils doivent marquer entre eux-mêmes et les étudiants, être méprisable en bas de l'échelle.

 

Ma doctorante me suit, comme ces femmes qui tiennent les robes des mariées dans les grands mariages royaux. Elle n'est pas là pour être vue, mais simplement pour souligner et réhausser encore ma présence. Toutefois, par le potentiel de carrière qu'elle a, il convient qu'elle marque une nette supériorité par rapport aux surveillants en les saluant à peine (pas de serrement de mains familier, mais un simple hôchement de tête suffit). De la sorte, une parfaite distinction entre les différentes classes devient possible !

 

L'examen commence. Sans que j'ai besoin de le demander, les surveillants vérifient un à un les cartes d'étudiants et les font signer les feuilles d'émargement. Je me dois de rester en bas de l'amphithéâtre en jetant de temps en temps un regard sévère sur les étudiants.

 

Un dernier moment caractérise les examens, les étudiants demandant des intercalaires supplémentaires. C'est là le rôle des surveillants. En tant que superviseur, il m'arrive souvent de leur indiquer les étudiants quémandeurs. Il est évidemment inimaginable que je me déplace. Dans le pire des cas, j'envoie ma doctorante. Cette dernière ayant un peu d'intelligence sociale (ce qui la distingue des surveillants) sait d'ailleurs devancer mes demandes si l'attente est trop longue.

 

Le génie est un fardeau pour qui en est doté, tant la masse est ignare.

 

Le professeur ignoble

 

 

 

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