Les conférences (8) – La présentation d'un papier avec sa doctorante

Bonjour à tous,

Le temps se radoucit progressivement et va maintenant recommencer la saison des congrès. Comme souvent, je suis précurseur et j'étais la semaine dernière aux Etats-Unis. Je présentais un papier co-écrit avec ma doctorante. Je me demande parfois pourquoi les doctorants (et doctorantes) signent leur papier avec leur directeur de thèse. Après tout, souvent, ils se contentent d'un travail besogneux de collecte des données et d'une mise en forme approximative. Sans le regard sévère, expert mais bienveillant d'un directeur de thèse, ces papiers ne valent pas grand chose. Ces propos peuvent paraître durs, mais, une fois de plus, j'en ai fait l'expérience dans cette fameuse conférence de la semaine dernière.

Nous disposions d'un temps limité (15 minutes). Nous avions convenu que je présenterais d'abord les enjeux du papier, puis ma doctorante se concentrerait sur la méthodologie et les résultats. Alors que j'avais brillamment assuré la première partie, j'ai entendu ma doctorante prendre la parole et être à peine capable de présenter la méthodologie de recherche et un simple tableau de résultats pendant les 5 minutes qui lui étaient dévolues. La discussion qui a suivi m'a couvert de honte. Les questions se sont focalisées sur ma doctorante en lui demandant de présenter plus en détail ces résultats. De toute évidence, cette dernière profitait des réponses pour attirer toute l'attention sur elle. D'ailleurs, pas une question ne m'a été posée (une véritable insulte qui semblait la ravir !), mais quand on voit les poses aguicheuses qu'elle prenait, il n'y a là guère de surprise.

Je ne pouvais laisser passer un tel affront. Le soir, j'ai débriefé la présentation avec elle. Je lui ai d'abord vertement reproché de ne savoir maîtriser sa parole et de se tenir au temps imparti. Elle a reconnu sa faute. Je lui ai ensuite expliqué que son attitude vis-à-vis des participants à la conférence était déplacée. Une doctorante (une future chercheuse...) ne doit pas se comporter ainsi, sauf à se déconsidérer. Elle m'a juré n'avoir rien fait de mal. Je lui ai alors porté le coup fatal : si elle ne s'était pas comporté ainsi, comment expliquer alors qu'aucune question ne m'ait été posée ? Vaincue, elle dut reconnaître ses fautes.

J'en ai profité pour en tirer les leçons. Si ces comportements devaient perdurer, je me verrais dans l'obligation de ne pas la réinscrire en thèse. Devant ces larmes, je me suis néanmoins laissé convaincre de ne pas trop sévir. Il faut dire qu'elle sut y mettre les formes et me proposa un massage relaxant pour me détendre. Comment ne pas croire dans sa sincère volonté de rédemption ?

Le génie est un fardeau pour qui en est doté, tant la masse est ignare.

Le professeur ignoble