Savoir organiser sa fin de carrière

Bonjour à tous,

Je voudrais profiter de cette journée pour vous faire une confidence. Je vais bientôt partir à la retraite. Oh, je devine bien les larmes couler sur vos joues à cette nouvelle, mais, une administration bien tatillonne (une fois de plus serais-je tenté d’écrire, cf. L’université et le monde de l’entreprise (2) – Administration tatillonne versus Esprit d’entreprise) veut m’obliger à faire valoir mes droits à la retraite. Que cela est cruel ! Néanmoins, disposant encore de quelques mois, j’ai décidé d’organiser la résistance.

J’ai d’abord été voir quelques collègues en leur enjoignant de préparer des mélanges en hommage à ma carrière. C’est bien le moins tout de même ! Je me suis permis de leur indiquer les contributeurs que je souhaitais y voir figurer. Imaginer certains gauchistes me rendre hommage (par exemple le professeur militant) suffit à me hérisser le poil ! Heureusement que mon sympathique collègue le Professeur Crapuleux saura y mettre bon ordre.

Néanmoins, de simples mélanges en mon honneur me semblaient un bien modeste hommage à l’importance de mon travail. Aussi, ai-je décidé de m’intéresser à l’histoire de ma discipline en proposant à la meilleure étudiante de Master 2 Recherche de travailler sur l’importance de mon œuvre dans la constitution de ma discipline ! C’est évidemment le moyen de laisser là aux futurs historiens un témoignage lucide, objectif et distancié de mon influence bienfaisante. Mais c’est aussi un magnifique sujet de thèse ! Etant bientôt à la retraite, je disposerai de tout le temps nécessaire pour l’éclairer sur mon rôle !

C’est l’occasion pour moi de montrer la fonction de ce travail. Savez-vous qu’au Moyen-Âge, les vies édifiantes des Saints étaient écrites pour entretenir la piété des sujets ? Et bien, je pense que cela serait bien utile aujourd’hui en ces temps perdus où les valeurs de notre société s’estompent. Ma vie si riche, tellement exemplaire, pourrait servir aux jeunes comme modèle de conduite.

Je pense des fois à ses universitaires qui laissent les plus jeunes les remplacer en toute quiétude en partant avec discrétion comme sur la pointe des pieds. Il arrive qu’ils me fassent pitié. Moi, au moins, je puis affirmer que personne ne m’oubliera !

Le génie est un fardeau pour qui en est doté tant la masse est ignare.

Le professeur ignoble